الأربعاء، 9 يوليو 2008

Michel Sleimane: "Le Liban est un besoin arabe et universel"

Sphere: Related Content
L'Express

Michel Sleimane: "Le Liban est un besoin arabe et universel"

Par Christian Makarian
Publié le 08/07/2008

Elu président du Liban au terme d'un long suspense, le 25 mai dernier, Michel Sleiman est un des chefs d'Etat dont la tâche est aujourd'hui la plus difficile. A 59 ans, cet ancien général, homme d'ordre autant que de dialogue, s'est armé de courage pour redresser un pays affaibli par les divisions communautaires, l'invasion de 2006 par Israël, le poids du Hezbollah, l'influence syrienne et une situation économique tendue. Mais, dans son palais de Baabda, le président libanais garde espoir et déploie des talents de diplomate. Il participe cette semaine à Paris au sommet de l'Union pour la Méditerranée. L'occasion de confier à L'Express, pour la première fois depuis sa prise de fonction, ses attentes et ses lignes de force.
Votre élection a été accueillie par la communauté internationale avec un grand soulagement. Quel est votre sentiment dominant après plus d'un mois d'exercice de vos fonctions?L'accueil favorable de la part de la communauté internationale à l'égard de mon élection à la présidence de la République libanaise, comme effet d'un consensus interlibanais, me fait porter de lourdes responsabilités. D'ailleurs, je dois avouer qu'après plus d'un mois à la magistrature suprême je ressens l'ampleur de ces responsabilités. Les assumer stimule ma conviction et renforce ma détermination à oeuvrer en vue de l'unité des Libanais, de leur entente et de leur solidarité. Vaste programme? Sans doute, mais je dirai que c'est une mission difficile, non pas impossible, puisque le peuple libanais souhaite que ses choix essentiels soient incarnés par un responsable se tenant à ses côtés. Personnellement, je serai fidèle aux aspirations de mon peuple, qui veut voir son pays maître de sa destinée, libre et indépendant. Déjà, tout au long de neuf années et demie à la tête de l'armée, j'ai rempli pareille mission en des périodes d'extrêmes difficultés. Et je pense que mes prises de position ont alors contribué à faire de moi, aux yeux de toutes les parties libanaises, un candidat consensuel.
Disposez-vous d'une marge d'action suffisante pour redresser la situation? J'ai tenu à insister, dans mon discours d'investiture, sur la nécessité de réaliser l'équilibre requis entre les prérogatives et les responsabilités d'une manière qui permette aux institutions, y compris la présidence de la République, d'assumer pleinement le rôle qui leur incombe. Pour l'essentiel, je trouve que la modération, l'ouverture et le dialogue constituent les facteurs déterminants pour l'exercice de ce rôle. Je reste convaincu qu'il faut exercer mon mandat présidentiel dans le respect total de la Constitution libanaise modifiée par les accords de Taef, et notamment de la clause J, stipulant qu'"aucune légitimité n'est reconnue à un quelconque pouvoir qui contredise le pacte de vie commune".
Compte tenu des difficultés rencontrées, pensez-vous que l'équilibre constitutionnel libanais puisse durer encore longtemps?Ma conviction profonde est que le Liban est fondé sur le pluralisme et non sur la logique des nombres. Il a adopté la démocratie consensuelle, et c'est ce qui fait de lui une source de richesse. Pour cette raison, la question de l'équilibre démographique ne se pose pas. D'autant moins que ce Liban, constitué d'une mosaïque de 17 communautés vivant en commun dans la stabilité, la fraternité et la coopération, est un pays "message", tel que Sa Sainteté le pape Jean-Paul II l'a qualifié. Pour ma part, je crois que le jour où se poserait la question de la répartition quantitative des Libanais selon leurs communautés, le Liban que nous voulons et pour lequel nous oeuvrons tous serait autre.?Il serait un pays qui ne nous ressemble pas.En ce qui concerne l'évolution des institutions, qui est un besoin permanent des démocraties, c'est aussi, pour un pays comme le Liban, une nécessité.
Qu'attendez-vous du gouvernement, après sa formation? Les Libanais aspirent à voir le nouveau gouvernement satisfaire leurs besoins et exaucer leurs revendications. Il est vrai qu'il existe des divergences entre les différentes parties politiques dont le gouvernement est constitué, mais il existe bel et bien des dénominateurs communs qui les rassemblent. Ces dénominateurs unitaires, que j'ai d'ailleurs mentionnés lors de mon discours d'investiture, figureront sans doute dans la déclaration du gouvernement. A l'évidence, le gouvernement devrait traiter en urgence la question du niveau de vie, devenu précaire en raison des hausses exorbitantes des prix du pétrole et des produits alimentaires, surtout quand on sait que le Liban est un pays importateur. Les priorités du nouveau gouvernement porteront donc sans doute sur la relance de l'économie et sur celle de la production.
Le Hezbollah vient d'être placé par les Britanniques sur la liste des groupes terroristes. Qu'en pensez-vous?On ne peut pas oublier que le Hezbollah est un parti politique libanais, dont la Résistance nationale est une branche. Cette Résistance a libéré le Sud de l'occupation israélienne, après que le Liban n'eut pu arriver à recouvrer sa souveraineté dans cette région, conformément aux clauses de la résolution 425 du Conseil de sécurité. Et la libération a eu lieu alors que l'Etat libanais, déjà démantelé,avait été quasi absent du Sud pendant près de trois décennies. En aucun cas je ne puis accepter que celui qui défend sa terre et la libère de l'occupant, réussissant de la sorte à recouvrer l'entière souveraineté de son pays, soit traité de "terroriste". Somme toute, il importe de tirer profit de la force de la Résistance pour accroître nos capacités nationales, et ce en instaurant une stratégie de défense pour le Liban. La situation actuelle des hameaux de Chebaa, toujours sous occupation, et l'entêtement de l'ennemi à perpétrer des menaces et à violer notre souveraineté exigent de notre part, parallèlement à la promotion d'un dialogue, l'élaboration d'une telle stratégie de défense de la patrie.
N'est-il pas indispensable de briser le Hezbollah pour que l'Etat libanais puisse recouvrer sa souveraineté? Pourrez-vous éviter, tôt ou tard, l'épreuve de force?Il ne faut pas penser ainsi! Au contraire, nous devons, comme je viens de le dire, discuter, lors de la Conférence du dialogue national, à laquelle je convoquerai prochainement au palais présidentiel les différentes parties libanaises, de l'élaboration de cette stratégie de défense qui garantirait le pouvoir de l'Etat libanais et renforcerait ses capacités à répondre à toute agression de la part d'Israël. Quant à évoquer une "épreuve de force" sur le plan libanais interne, cela est totalement inadmissible!
La Syrie, dont le président se rend à Paris cette semaine, entame un processus de négociation avec Israël par l'entremise de la Turquie. Quel crédit accorder à ces pourparlers et est-ce porteur d'espoir pour le Liban?Il est du droit de la Syrie d'adopter le style de négociation qu'elle souhaite et qu'elle considère comme susceptible de lui faire atteindre ses buts relatifs à la libération de ses territoires occupés. Nous estimons que si la Syrie aboutit, au niveau des négociations indirectes avec Israël, à des résultats favorables qui soient en accord avec les aspirations du peuple syrien à recouvrer sa souveraineté sur l'ensemble de ses territoires, cela aura des répercussions positives sur l'ensemble du conflit israélo-arabe, dont le Liban continue à payer le prix, directement ou par alternances.
Que faudrait-il, de votre point de vue, pour effacer les dégâts de l'opération israélienne de l'été 2006 et normaliser vos relations avec Jérusalem?Le Liban tient pour nécessaire la réalisation d'une paix juste, globale et permanente qui serait fondée sur le principe de la restitution des territoires occupés en contrepartie de la paix. Ce principe, adopté lors de la conférence de Madrid, en octobre 1991, repose sur les résolutions internationales stipulant, en particulier, le droit au retour du peuple palestinien sur ses territoires et le refus de son implantation dans les pays d'accueil.
Nous considérons, par ailleurs, que les agressions israéliennes permanentes, terrestre, maritime et aérienne, contre la souveraineté libanaise doivent cesser. Israël devrait s'engager à respecter la résolution 1701 et passer à l'étape suivante, exigée par cette résolution, celle du cessez-le-feu, sans se contenter de l'arrêt des hostilités, à l'exemple de la situation prévalant actuellement au Sud. De toute évidence, les Libanais sont tous solidaires quant à leur droit de récupérer leurs territoires occupés. En même temps, ils appuient toute partie oeuvrant en vue de la réalisation d'une paix juste dont le Liban serait bénéficiaire, et non d'une paix qui ferait porter à notre pays davantage de charges et subir davantage de répercussions.
La démarche française de dialogue avec la Syrie contrarie une partie de l'opinion libanaise. Que pensez-vous de la stratégie de Nicolas Sarkozy, qui se situe à l'opposé de celle de Jacques Chirac, sur ce point? Laissez-moi vous dire, d'abord, que les Libanais aspirent en permanence à de bonnes relations entre la Syrie et la France, car l'histoire des relations franco-syriennes, quoiqu'elle soit parfois passée par des périodes de tiédeur, a toujours été positive. Ensuite, il est de l'intérêt de l'Europe que d'excellentes relations soient édifiées entre la Syrie et la France. Preuve en est la démarche française pour promouvoir le processus de Barcelone-Union pour la Méditerranée. Quant aux relations entre le Liban et la Syrie, je suis disposé à oeuvrer pour qu'elles soient de nouveau normalisées, dans le cadre du respect mutuel de la souveraineté et des frontières de chacun des deux pays, et de l'établissement de rapports diplomatiques bilatéraux.
Le mandat de la commission d'enquête internationale sur l'assassinat de Rafic Hariri a été prolongé de six mois. Qu'en attendez-vous concrètement?Nous attendons du Tribunal international pour le Liban qu'il révèle toute la vérité sur l'odieux assassinat du Premier ministre Rafic Hariri et de ses compagnons, et sur la série d'assassinats l'ayant suivi. Nous voulons connaître l'identité des criminels et des instigateurs de pareils crimes, pour les punir. Voilà ce que nous attendons de ce tribunal. Je l'ai mentionné explicitement dans mon discours d'investiture, les Libanais voulant que justice soit faite.
Nous espérons que les investigations internationales en cours aboutiront aux résultats tant attendus, car le Liban a fourni tout l'appui nécessaire à la commission d'enquête conduite par le juge canadien Daniel Bellemare et a respecté ses engagements financiers à l'égard de ce tribunal.
Face aux troubles qui subsistent dans le nord du pays, l'armée apparaît encore comme l'institution centrale de l'Etat libanais. Vous en êtes vous-même directement issu. Faut-il renforcer encore le poids de l'armée libanaise dans le pays?Je suis directement concerné par le renforcement des différentes forces militaires libanaises, notamment l'armée, étant donné que le président de la République est le haut commandant de ces forces et que j'étais moi-même commandant en chef de l'armée. Dès lors, je suis en bonne position pour savoir ce dont cette armée a besoin, tant au niveau des hommes qu'à celui des effectifs. En particulier à l'égard du rôle prépondérant que joue l'armée pour la sauvegarde et la défense de la paix civile et de la démocratie. Tous les Libanais appuient leur armée et leurs forces de sécurité, les considérant comme des piliers du pouvoir de l'Etat et de son équité.
Je reste convaincu que la stabilité politique va de pair avec l'exigence de sécurité. En retour, une atmosphère politique détendue aide à maîtriser la situation sécuritaire. Enfin, l'ordre et la sécurité publique accélèrent les opérations économiques et les développent, contribuant à assurer plus de prospérité au peuple libanais.
Vous avez accepté un rôle de président qui est sans doute le plus difficile qui soit au Liban. Qu'est-ce qui vous guide et vous permet de tenir? Ce qui me guide dans la prise de mes responsabilités et me permet de « tenir » dans l'exécution de mon mandat est le sens du devoir, auquel s'ajoutent mon attachement passionnel à ma patrie et ma conviction que le Liban est un besoin arabe et universel. C'est un pays qui doit assumer sa mission dans sa région et dans le monde, qui doit être un exemple d'ouverture, de respect des différences entre religions et civilisations, et aussi un creuset de vie commune entre tous ses fils.

ليست هناك تعليقات: